Dominique Jézéquel, sur le chemin de l’absolu.

À qui connaît Dominique Jézéquel depuis une vingtaine d’années, le travail paraît en évolution régulière, tout en suivant une voie unique, celle de la couleur. Une telle constance n’en est pas moins paradoxale car elle repose sur de surprenants changements d’apparences. Se souvient-on de l’été 2003 et de la chapelle Saint-Michel au Sourn, en lisière de Pontivy ? Il y avait là, légèrement détachés du mur, quelques panneaux imprimés de quatre couleurs juxtaposées, si raffinés d’accords, si discrets d’installation qu’un vrai spécialiste des lieux de culte, effectuant la tournée des chapelles, ne remarqua pas les œuvres présentées. Depuis, l’artiste exigeant a continué sa quête, renonçant à la matière et au geste, puis au support qu’il soit toile ou papier, bref à l’habituel effet de tableau.

Au lieu d’être transféré sur papier, monté sous plaque acrylique et collé sur un chassis en aluminium, le fichier est aujourd’hui projeté. À l’automne 2005, un premier essai public, dans une chapelle de Saint-Brieuc, se montra si prometteur qu’au printemps suivant, une installation plus complexe, à l’Imagerie de Lannion, colorait une paroi entière, du sol au plafond. Cette projection continue n’est rien d’autre qu’un jeu sur l’accord et sur la rupture, avec un temps intermédiaire de passage progressif au moyen du fondu enchaîné. Oui, soumis au clair et au foncé, le regardant se situe entre tension et équilibre, réceptif ou non au pouvoir émotionnel de la couleur pure.

Pour que cette perception lumineuse prenne sens, pèse à l’évidence l’endroit où se déroule la projection cadencée. Il convient d’applaudir au choix de la chapelle Saint-Gildas, un abri sous roche au contact immédiat de la pierre et au voisinage de l’eau courante, même si elle est désormais canalisée. Espace réduit et allure de caverne portent aux origines et favorisent l’imprégnation du visiteur par la force primitive de la couleur. La technique s’efface ; devine-t-on encore les aspérités du mur crépi, la projection depuis la terre battue jusqu’aux poutres, perçoit-on la proportion de l’écran aux quatre-tiers ? Comptent seules les séquences colorées et leur cycle, l’attente du passage, l’alternance du vide relatif qu’est le gris et du plein de l’accord. En ce lieu mythique, depuis des millénaires habité par l’esprit, on baigne dans l’immatériel, on approche l’abstraction totale, on se laisse en quelques secondes emporter par la musique tant attendue des couleurs impalpables.


René Le Bihan