DOMINIQUE JEZEQUEL : SUITES, ACCORDS
Bonsoir,
Nous sommes ici pour donner la bienvenue à Dominique Jézéquel et
pour le remercier d’avoir œuvré pour que cette salle accueille son
travail "Accords, Suites", en ce mois de novembre.
Je suis particulièrement honorée de présenter ici et maintenant cet
artiste, un artiste qui nous surprend à plusieurs égards : par son
travail de création visuelle, par la rigueur et l’originalité de ses
mises en espace, et surtout par sa capacité à retenir l’attention de
nos étudiants pendant une heure d’incursion et d’immersion dans
l’Histoire de l’art. Le groupe d’hispanistes de première année de notre
faculté en a fait l’expérience lundi lors de son cours sur les églises
et l’iconographie romane.
Sa présentation de l’architecture et de la sculpture romanes avait pour fil directeur la lumière.
Cette même lumière qui dévoilait une capricieuse ornementation
végétale, envahissait les voûtes, les pilastres, recouvrait socles et
niches où étaient hébergées les candides images polychromes ; la
lumière traversant les baies vitrées, hautes de plusieurs mètres, pour
se jeter en torrents sur les visages des fidèles aux heures
interminables des offices, leur teint pâli à l’extrême par ces rayons
obliques.
Cette lumière, cette énergie que Dominique Jézéquel a su si bien nous
montrer à travers l’imagerie médiévale, nous la voyons ici à
l’œuvre : elle est aujourd’hui fragmentée, étagée, nuancée par des
lamelles chromatiques. Active. Elle a déjà réinvesti d’autres espaces,
choisis par le peintre avec une extrême rigueur : la claire-voie
d’une vieille église, la baie d’une porte de chapelle, verrières,
encoignures de pièces désaffectées, pans de murs de châteaux, ateliers,
galeries, magasins, musées, et aujourd’hui, cette salle toute entourée
de fenêtres pour capter la clarté subtile, poudreuse, précieuse, de
Brest. Dans tous ces espaces dont la lumière a une fonction, mais
aussi un sens, la luminosité fait sens ; elle est au cœur même de
la réflexion de Dominique Jézéquel. Déclinée en une suite de quatre
accords, quatre couleurs qui se modifient à l’œil nu, cette œuvre n’est
pas là pour habiller nos murs, pour aveugler nos fenêtres ; ni
décoration ni trompe-l’œil. Sa puissance esthétique, son harmonie
formelle ne nous isolent pas pour autant d’un extérieur hostile. Elles
créent plutôt une distance, une distance raisonnable, peut-être
nécessaire.
Elle communique avec l’existant, avec l’absence et la saturation (le
blanc vertical des murs et le noir horizontal du plafond), avec
d’autres luminescences familières qui guident, limitent, ouvrent notre
parcours (les veilleuses de sécurité, les éclairages d’entrée et de
sortie,.... De ce fait, elle dialogue aussi avec notre sentiment du
temps, de l’attente, de la vision et de l’observation, de la
dépossession et de la réappropriation de nos espaces communs, de
l’espace public.
Mais nous ne sommes pas dans un hors-temps béat. Dans une évasion
insouciante. Puisque nous sommes invités et investis par la lumière,
cette forme d’énergie qui nous impressionne le plus, celle que la
langue courante métaphorise pour signifier, précisément, la vie, donner
la lumière, ouvrir les yeux à la lumière, voir, revoir la lumière.
Ces compositions numériques, ces digigraphies (c’est ainsi que
l’artiste les nomme savamment) ne sont pas sans rappeler les
physichromies ou « pièges à lumière » de Carlos Cruz Díez, le
plus français des peintres vénézuéliens. Des trames de couleur qui se
transforment en fonction du regard et de la position de l’observateur
dans l’espace. Elles troublent la rétine et créent des situations
inouïes, le lieu se voit transfiguré.
« L’art est communication…Il a une capacité didactique. Une
nécessité irremplaçable de dire et de communiquer ce dire aux autres.
Nous sommes assujettis à ce qui nous entoure et la peinture est le
fondement des idées. L’art est une manifestation de l’esprit qui met en
évidence son temps. »
Sont présentées ici l’énergie et la matière en parfaite harmonie. Elles
invitent le regard et suscitent la réflexion. Nous remercions une fois
de plus Dominique Jézéquel et je l’invite à nous décrire son travail
bien mieux que je ne l’aurais fait.