Texte pour l'exposition "Konkret-mehr-Raum", Osnabrück, été 2015.
Dominique Jézéquel utilise des
éléments réduits de l'architecture, comme l'entrée vitrée de la
Kunsthalle et une partie du couloir vitré qui conduit à la cour, comme
terrain de jeu artistique. Toujours tirées d'une combinaison de quatre
champs de couleurs, les formes géométriques colorées ont recours au
rectangle, à la ligne ou au carré.
Dès le début de sa carrière artistique Jézéquel s'est consacré à la
couleur. Alors que sa peinture, pratiquée à l'huile, s'approchait du
monochrome, l'artiste va, grâce aux progrès techniques, abandonner la
toile, le pinceau et la palette pour se tourner vers la peinture
digitale. Il trouve là 16 millions de couleurs à sa disposition. Les
surfaces sont disposées sans composition, sans matière, mais en à-plats
précis. Les couleurs créent un rythme, leur symbiose appelle la
vibration, l'équilibre, la tension. Le résultat : la peinture devient
couleurs dynamiques. Les couleurs, que Jézéquel choisit spécialement
pour le lieu, transmettent non seulement la perception, la sensation et
l'impression, mais aussi une nouvelle appréhension du lieu. D'une
manière très personnelle il intègre ses champs de couleurs dans les
surfaces vitrées d'une architecture moderne, lisse, dépouillée et un
peu froide.
La première tâche conduit le spectateur à entrer de l'extérieur vers la
salle d'exposition. L'entrée vitrée de la Kunsthalle n'est pas
seulement le lien entre l'extérieur et l'intérieur, mais aussi le
support de cette oeuvre. Cette porte colorée attire le regard du
passant et du visiteur, elle invite à entrer. Avec elle s'ouvre une
frontière, pour découvrir "Konkret mehr Raum". L'artiste en brise la
hauteur qui est partagée en quatre segments par des barres horizontales
qui vont du cyan au magenta et reprennent l'équilibre des
proportions de la porte. La porte réagit à l'arrangement des champs de
couleurs opposés, comme si elle était passée à un autre format. Elle se
laisse contempler comme une oeuvre à part entière, comme une peinture
digitale ou comme un regard coloré sur l'exposition Konkret mehr Raum.
Le deuxième travail doit s'imposer, contre la structure rigide et
froide des huisseries noires de la cloison de verre. C'est pourquoi
Dominique Jézéquel a choisi des couleurs fortes, translucides, qui
opposent une grande force lumineuse aux montants noirs. Rigueur et
sensation entrent ainsi dans un dialogue à parts égales et se
conditionnent mutuellement. Les champs colorés chargés de sentiment
aiguisent notre perception et nous offrent la possibilité de développer
des associations qui nous emmènent loin au-delà de la réflexion sur la
forme et la couleur.
Dominique Jézéquel est un des artistes, dans l'exposition Konkret mehr
Raum, dont le travail, visuellement et en considérant la géométrie et
la composition, fait directement référence à l'art concret. Son but est
cependant autre : il veut que la composition au-delà de la forme et de
la couleur se charge d'impressions et d'émotions et qu'un sens
sous-jacent parvienne au spectateur. Et même, quelles que soient les
formes géométriques dans lesquelles les couleurs de Dominique Jézéquel
sont enfermées, qu'elles ouvrent un horizon d'associations et
d'émotions qui les poussent loin au-delà des limites formelles et
créent un espace de couleur plus concret.
Depuis les années 1980 Dominique Jézéquel a été aux prises avec
l'abstraction et a joint la technique de la peinture à l'huile à la
simplicité de la forme. Dans les années 1990 il a réduit la peinture à
la couleur et à la composition sans renoncer à la sensibilité. A partir
de 2000 soutenu par la région Bretagne, il poursuit son chemin avec
l'aide des nouveaux media. Recherchant de nouveaux moyens de production
et de présentation de la couleur il conçoit des images à quatre champs
de couleurs qu'il appelle "accords". Imprimés en grands formats ou
projetés sous forme de séries sur les murs, ces accords géométriques
approfondissent le contenu des couleurs.
Valérie Schwindt-Kleveman